Vous avez bien failli ne pas y avoir droit avant quelques temps, à cette page. Et puis l'envie moyenne de travailler qui m'étreint en ce lundi soir 20h a joué en votre faveur: la voilà, la page de la semaine, puisque c'est désormais le rythme que semble prendre la parution de ces lignes.
Ne le cachons pas plus longtemps, puisque beaucoup d'entre vous sont déjà au courant, et coupons d'emblée les rumeurs les plus folles (non, je me suis pas dédoublé en un "Jonaton" tokyoïte et un "Leilu" pékinois, mon intégrité est préservée et je suis actuellement bien à Tokyo, selon des sources proches de l'enquête), voici donc la nouvelle de cette fin de mois de septembre: je pars à Pékin. ... . < silence > . ... . Quoi? Ca vous fait rien? Comment ça, "vous êtes blasés, je vous ai déjà fait le coup 4 fois" ?? Et ben dites-moi, ça vaut le coup de se casser pour trouver des choses intéressantes à raconter... Passons. J'ai donc acheté dans un moment de faiblesse morale et de force financière un billet aller-retour Tokyo-Pékin, départ le 2 octobre pour arriver à 21h à Pékin, et retour le 18 en début d'après-midi.
Je me croyais malin, ayant trouvé des billets pas trop chers (50.000yens=2500F). C'était sans compter tous les déboires que cette décision allait engendrer. Car quand on sort du Japon et qu'on souhaite y revenir, il faut être prévoyant et faire faire un "permis de ré-entrée". Pour entrer en Chine, il faut un visa. Et puis il faut aussi aller à et revenir de chacun des deux aéroports, ce qui finit par pas mal chiffrer. En tout cas, il me fallait faire des démarches, me frotter une fois de plus aux dangers de l'administration locale (jusqu'ici fort efficace, au demeurant, cf. les épisodes précédents).
Ayant acheté mes billets le lundi 22, j'étais d'attaque mardi 23 au matin pour une journée "off the campus", dont le contenu hautement administratif se trouvait miraculeusement enjolivé par le souvenir du week-end passé quasi-entièrement à bosser dans mon bureau à la fac. C'était sans compter sur la magie du calendrier japonais, qui veut que le mardi 23 septembre... soit un jour férié! le "jour de la mi-automne", pour être exact (pour certaines fêtes, le calendrier lunaire est encore de rigueur). Et je m'en suis aperçu heureusement suffisamment tôt: après une longue hésitation, je passais par la fac sur le chemin du bureaude l'immigration, et étais surpris que la fille devant moi sorte sa carte magnétique pour ouvrir la porte du département de maths (fermée uniquement les soirs, week-end, ... et jours fériés, comme vous le savez). Là, pressentiment confirmé par les rideaux tombant sur la bibliothèque de maths... et abandon immédiat de mon si joli plan, pour une nouvelle journée dans mon bureau. Mais le mercredi, ce serait mon jour, je ferais tout en une seul matinée, re-entry permit et visa, avant 12h et la fermeture de l'ambassade, et puis j'irais aussi à l'ambassade de France, et à la mairie, et je ferais ma lessive aussi!!!
Tout d'abord, je croyais que le "Tokyo regional immigration bureau" was toujours in Shibuya, à 20 minutes à pied de chez moi. Je me rendais sur place, prenais 3 photomatons, me dirigeais vers la porte, pour tomber sur une affichette (uniquement en japonais, étonnant, pour un "immigration bureau") m'annonçant que ma mission, si je l'acceptais, était de me rendre sur un polder de la baie de Tokyo, à 15 minutes de train + 10 minutes de bus (ou 20 minutes de marche, ma fière option) de Shibuya station, près de Shinagawa pour les sourcilleux de la géographie. Vous imaginez ma joie, la poussée d'adrénaline qui me saisit, prèt à relever tous les défis! Je pressais donc le pas, espérant toujours naïvement pouvoir expédier ce premier de mes travaux avant d'enchainer avec l'ambassade de Chine, l'ambassade de France, etc... La sensation de se trouver au milieu de nulle part sur le chemin de ce bureau de l'immigration est quelque chose d'assez surprenant. Des containers, des camions, des usines, oui, mais d'immeuble de bureau, point à première vue. Au bout d'un moment, toutefois, la vue d'un autre blanc-bec immédiatement suivie par le déchargement d'un car rempli d'étrangers confirma que j'étais dans la bonne direction, et qu'il ne servirait à rien de continuer de suer sang et os (malgré le temps frais, "à la pluie", et sans doute à cause de mon obstination à garder mon énorme pull sur le dos) pour gagner quelques misérables places dans la course aux numéros de passage. J'arrivais donc à 11h15, et décrochais fièrement le numéro 245, avec 135 petits camarades devant moi. Heureusement, je trouvais une place assise, à côté d'une chinoise fort sympa qui m'offrit même un de ses gateaux (fourré à la pate typique des gateaux japonais, du haricot ce me semble) pendant la pause de midi (fermeture des guichets entre 12h et 13h...). Il est a noter que la proportion de chinois semble beaucoup plus forte le matin que l'après-midi; j'ai cru y voir la preuve qu'ils étaient en fait passés experts dans ce genre de démarches, qu'à eux on ne l'a faisait pas, et que l'avenir, dans un pays où faire la queue pour obtenir des papiers est une activité quasi-quotidienne, appartient à ceux qui se lèvent tôt... Je m'occupais donc en lisant mon manuel de japonais, dont les maths m'avaient dramatiquement tenu éloigné depuis plusieurs jours, et en jetant un oeil goguenard sur le compteur indiquant le nombre de personnes à passer avant le dernier ticket distribué: celui-ci n'a cessé d'augmenter pour finalement resté accrocher autour de 206 après 14h. Le bureau fermant à 16h, je suppose qu'ils sont revenus le lendemain. Pourquoi tant de monde? Et bien j'imagine que tout ceux qui avaient voulu faire leurs démarches la veille ont eu la même idée que moi.
Mais j'en ai trop dit. Je suis passé à 14h35, et au retour ai opté pour le bus sous la pression de la pluie, décidément déprimante depuis quelques temps. Heureusement, le chauffeur était là, à l'instar de tous les chauffeurs de bus japonais, pour me remonter le moral: ils sont pourvus d'un micro, dans lequel ils ne cessent de sussurer des "shitsurei shimasssssssssssu" (originellement "excusez-moi (de m'en aller)", je n'ai pas réussi à bien saisir la nuance d'emploi ici) à chaque fois qu'il quitte un arrêt (j'imagine qu'ils ne s'excusent pas auprès de l'arrêt...). Ils font pleins de commentaires sur le trafic, le fait qu'on va bien s'arrêter à l'arrêt suivant, etc... Toujours quasi inaudible, foisonnant de "sssssss". Car je pense avoir saisi une différence fondamentale dans les languages masculin et féminin japonais, dont chacun sait qu'ils sont _très_ différents, ne serait-ce que par le vocabulaire employé. Quand elles parlent (très) poliment, ces dames insitent (beaucoup) sur la fin de la phrase, ce qui donne "500 yen desuuuuuuuuu", le standard étant plus proche de "500 yen des'". Pour les hommes, la technique est différente, et je m'en suis heureusement rendu compte avant qu'il ne soit trop tard, commençant déjà à lancer des "arigatou gozaimasuuuuuuu" en veux-tu en voilà, certainement fort étranges de la part d'un (pas trop costaud, certes) gaillard d'1 metre 83. Côté masculin, on fera donc plutôt fuser un "arigatou gozaimassssssssssssssss" moins eféminé.
A part les journées (et assez fréquemment les soirées, voire les nuits:
2h, 3h...) passées au bureau, j'ai tout de même réussi à voir du monde ce
week-end: vendredi soir, tout d'abord, était le jour tant attendu du
concert de Jet Kelly à Shibuya. Je suis en relation avec leur manager,
Kuni, depuis début septembre, fort sympa. J'avais donc des places qui
m'attendaient (sur place), et je fus assez surpris qu'une jeune fille me
voyant arriver me dise "are you Jonathan?", puis "hi! I'm Kuni"... Ben
oui, très machistement, je m'étais imaginé que Kuni, en tant que manager
d'un groupe de rock de 4 (beaux, mesdemoiselles) mecs, devait aussi être
un homme, un vrai. Il n'en était rien. Du coup j'ai été un peu
décontenancé. Mais cela ne m'a pas empêché d'apprécier le concert, et
avant ça le lieu: 5ème étage! Enfin, ça c'est pour l'étage d'entrée, car
après vous passez par un escalier exterieur (avec vue imprenable sur les
climatiseurs des buildings alentours) pour descendre au 4ème où se trouve
la salle de concert. Habitué aux bons vieux concerts du zénith d'où l'on
sort joyeusement (euh...) trempé de la sueur de ses voisins de fosse, les
chaussures plus sales que jamais, je fus assez étonné de voir débarquer un
certain nombre de demoiselles portant fièrement le sac LV (Louis Vuiton:
vous n'en avez jamais vu? venez faire un tour à Tokyo, si vous voyez plus
de 2 sacs identiques, ce sont des LV), et, plus surprenant encore, en
nus-pieds à talon! Evidemment, pendant le concert, on ne se bouscule pas
des masses, chacun reste sagement à taper du pied et opiner du chef de son
côté, bien sagement, malgré le déluge de décibels venant du groupe.
J'étais accompagné par Otogo, un des étudiants de mon bureau, super
sympa, mongol étudiant au Japon depuis 6 ans et demi, et parlant si bien
que les japonais le prennent pour l'un des leurs... On a discuté ensuite
autour de quelques plats dans un izakaya, en anglais car il parle aussi
couramment anglais!
Samedi, deuxième concert du week-end, avec le live de "Light steel blue" à Jiyugaoka à 14h30. C'est le groupe de la fille d'une amie de mon prof de maths (ok, c'est assez compliqué, nous avions diné ensemble lors de mon séjour à Kyoto), qui y joue (très bien) du piano et de l'accordéon. Les deux chanteurs/guitaristes assurent pas mal du tout, et écrivent de très belles folk songs (j'ai déicdément un fort penchant pour les harmonies à 3 ou 4 voix). J'étais la aussi sur la liste, et ils ont essayé de ne pas me faire payer, mais j'ai insisté, pour encourager les jeunes talents. Cinéma à 19h avec Mariko et Shoko, un film chinois, "Beijing Violin", ce qui complique un peu la compréhension, mais je m'en suis sorti, l'histoire n'étant pas des plus compliquées (un pauvre gamin de la campagne qui atomise tout en violon et monte avec son père à la capitale) et les sous-titres japonais apportant de temps en temsp quelques caractères salvateurs. Puis Izakaya pas top, avant de nous rendre chez "Jonathan's" pour y attendre une amie de Shoko nous ramenant en voiture. Mais qui est ce "Jonathan's" qui n'est pas moi? Et bien c'est un "fami resu"... un "family restaurant", si vous préferez, ou encore une chaine de restos, un peu comme Flunch sauf qu'on vous sert à table.
Dimanche, grasse matinée consécutive à un coucher à 3h pour cause de guitare (il n'y a pas d'heure...), après-midi à Shibuya avec Rolf, un autre collègue, qui repartait ce matin pour 2 semaines au danemark et voulait donc acheter des billets pour aller à l'aéroport. J'en ai profité pour faire régler mes guitare et m'acheter de nouvelles chaussures... Puis un peu de boulot avant de me diriger vers... mon 3eme concert du week-end. J'étais à nouveau sur la liste des personnes pouvant entrer gratuitement, la classe, et puisque ce coup-ci c'était un gros truc, et bien je suis rentré sans payer. J'étais invité par une amie qui bosse dans une galerie d'art et que j'ai rencontré en cherchant un appartement. Plusieurs groupes jouaient, et celui de ses amis (un artiste qui expose chez eux) était fort intéressant, dans le genre bruitiste ultra saturé, 2 guitares, 1 basse et un machin électronique, 1 peu style Sonic Youth. Ils ont joué 30 minutes, un seul morceau...
Avant mon départ jeudi pour Pékin, le nombre de choses à faire est proprement hallucinant, entre les ambassades de Chine et de France, les billets de train, mon déménagement mercredi pour aller habiter à l'internat, l'inscription aux cours de langues de la fac, l'achat d'un futon et de draps, l'accueil d'un collègue de mon prof à la gare de Shibuya... Message spécial pour Thomas et Minako, je déjeune demain avec Nanako-san, la soeur de Minako, qui s'est gentilment chargée de transporter mes affaires d'hiver depuis Paris!
Prochainement, retour vers le futur, pour un nouveau séjour à Pékin.