Permettez-moi d'adapter un peu à l'orthographe française ces deux mots de japonais appris récemment. Non, je ne suis pas aller voir un combat entre un sumo et une starlette de la tele. Ces mots m'ont été enseigné par les membres de mon cercle (cercle= "club", mais en moins intense; dans les universités japonaises, être membre d'un "club" -football, badminton, art...- implique d'être présent à tous les entrainements, d'aller en voyage avec le club, de faire plein de trucs ensemble, une vraie famille. Le cercle, lui, est moins prenant, même si le principe reste tout de même souvent d'aller se saoûler après l'entrainement, si j'ai bien compris. Mon cercle paraît assez soft de ce côté-là, rassurez-vous, la musique reste la motivation première.
Mais je me laisse emporter. Avant de revenir à mon élongation de vocabulaire (sans douleur...), faisons un petit retour sur: La semaine du 17 au 22 novembre a été essentiellement marquée par une bouffée consumériste (pédale d'effet, donc, énorme bouilloire avec choix de la température - 95, 85 ou 60 degrés...-, lecteur de cd-mp3 à 500FF -une affaire!-, théière, et pleins de petits trucs), doublée d'une grosse flemme. J'ai tout de même enfin réussi à faire une répèt' presque complète avec mon groupe, juste le temps de nous rendre compte qu'Eels passerait bien, mais que décidément je n'avais pas la tessiture assez aiguë pour imiter la voix lactée de Brian Molko (...). J'ai aussi eu le plaisir le vendredi de dîner avec Reiko, attention!, pas mon ex-petite amie, mais une amie rencontrée à Pékin en février et qui était de passage pour le mariage d'une copine de fac et pour voir son petit ami (elle habite Fukuoka). Elle m'a expliqué que sa fac était à l'origine destinée à enseigner aux jeunes filles à devenir de bonnes épouses. Cela a un peu changé depuis puisque même quelques garçons y étudient, mais elle a tout de même eu droit à des cours de cuisine. Elle m'a appris plein de ragots sur nos amis de Pékin, parfois fort surprenants... A noter une particularite qui semble commune a de nombreuses universités: les cercles de Tennis sont les plus prisés, ils disposent d'un nombre incroyable de membres, et il y a à Todai une avalanche de cercles de tennis. Est-ce à dire que les étudiants japonais sont friands de la petite balle jaune comme personne? Vous êtes loin du compte. Il semble qu'une règle tacite veuille que les cercles de tennis soient plus des lieux de rencontres: les filles y abondent, et les garçons suivent donc, ne tapaant que rarement ou jamais dans la baballe, lui préférant les "nomikai", ou "drinking parties" qui sont organisées plusieurs fois par semaine... Et vive le sport.
Le lundi 24 étant ferié au Japon, le week-end du 22 au 24 avait été choisi pour l'organisation du Komaba-sai, ou "festival de Komaba": la fête du campus de Komaba de l'université de Tokyo. Et ben c'était quelque chose! La Nuit de la rue d'Ulm et le point Gamma, à côté, font doucement rigoler, mais il est vrai qu'il ne s'agit pas exactement de la même catégorie: 3 jours de spectacles, concerts, stands de nourriture et boisson, officiellement de 10h à 18h. Il est vrai que ne restent après 18h que ceux qui participent à l'organisation, mais comme il s'agit presque de la majorité... Mon groupe n'avait pas assez répété pour participer, et de toute façon les réservations étaient closes depuis longtemps, en particulier pour le fameux "gras fessu"... Ok, en japonais ça donne "gu-ra-fe-su"... MAis qu'est-ce donc? et bien tout simplement le "gu-ra-n-do fe-su-ti-ba-ru"... Vous ne voyez toujours pas? Enfin, "Grand Festival"!!! Bref, la scène principale, sur laquelle notamment Ohata, chanteur survolté ayant tendance à astiquer le micro, Makiko, batteuse complètement allumée (et paraît-il dangereuse) et Watanabe, le guitariste de mon groupe, ont joué des reprises des "re-chi-ri". Mais qui sont les "re-chi-ri"??? vous demandez-vous? Vous savez déjà que Brad Pitt s'appelle ici "bu-ra-pi", vous aurez donc aisément deviné qu'il s'agissait des "red hot chili peppers"... Nous n'avons donc pas participé au "Gras fessu", mais c'est sûr, nous serons là pour le "Coulis con"!! Je vous rassure tout de suite, aucun des Japonais à qui j'ai dit ce mot ("ku-ri-ko-n") ne l'a compris d'emblée. Il faut évidemment comprendre "ku-ri-su-ma-su ko-n-sa-a-to"! Euh... "Christmas Concert"?? Honnètement, j'adore...
A part ceux qui jouaient dans des groupes, la plupart des élèves vendaient à boire ou à manger (yakitori, crèpes -"ku-ree-pu"-, churros, sobayaki, okonomiyaki...) sous des petits chapiteaux. La fac fournissait le poêle pour ceux qui restaient la nuit sur place, la température déscendant tout de même autour de 7 degrés. Il y avait donc dans toutes les allées de la fac des chapiteaux enrubannés de film transparent pour couper du vent, avec des montagnes de chaussures à l'entrée, des tonnes de bouteilles vides -l'autre moyen de se réchauffer- et quelques corps entassés autour du poêle... Un bien beau spectacle. Certains n'avaient pas la chance de profiter d'une telle installation... Komaba étant le campus des 1ère et 2ème années, la fête battait son plein. La quantité d'alcool qu'ils peuvent ingurgiter est très impressionnante, à moins que ce soit leur manque de résistance. En tout cas, j'ai vu en marchant dans la fac des étudiants dans des états pas possibles: un type au sol, pas vraiment conscient, un autre venant de s'enfiler la moitié d'une bouteille de saké, titubant après avoir refilé le reste à sa copine, celle-ci prenant la bouteille, vidant l'autre moitié d'un trait et s'ecroulant la seconde suivante!! Je crois bien que je n'avais encore jamais vu quelqu'un tomber raide après avoir bu cul-sec... flippant.
Pendant la journée, l'ambiance était plus "bon enfant", les étudiants rivalisant de "yakitori ikagadesuka?" ("que diriez-vous d'une ch'tite brochette?") et "sobayaki ikagadesuka?" ("des nouilles sautées cuisinées avec amour et respectant une tradition plusieurs fois centenaire, cela vous tente?") pour vous attirer vers leur stand, et l'on pouvait croiser quelques processions étonnantes et fort rigolotes.
Je quittais le festival le dimanche soir pour une charmante wine-party (beaujolais nouveau oblige! 100 francs, la bouteille ici, qui dit mieux?) chez Minoda-san et sa femme, les heureux parents de la charmante Haru-chan (2 ans, que nous avons fêté chez eux, rappelez-vous!), laquelle est d'ailleurs en ce moment dans notre bureau à babiller. Wine-party, puis passage dans la salle de mon cercle avant d'aller me coucher, et un réveil difficile pour prendre le Shinkansen vers Kyoto! Tout commençait par un trajet en taxi où le chauffeur ne connaissait soi-disant pas la route et me faisait gentilment payé deux fois le prix normal... Puis je retrouvais mon prof près du Gin-kaku-ji juste au moment où... la pluie commencait à tomber. Le temple était tout de même magnifique dans ses couleurs d'automne, avec des effets visuels dignes des Jeux Olympiques (involontaires? sans doute trop parfait pour être le fruit du hasard!). Nous sommes restés trois jours au Kansai Seminar House, dans un superbe cadre. Les activités mathématiques de la journée nous ont laissé le temps d'admirer le "Man-shu-in" voisin à la pause déjeuner du seul jour de beau temps. Des arbres magnifiques, un tapis de feuilles d'érable dans un temple voisin... Ces couleurs sont dues m'a-t-on dit à la différence de température entre le jour et la nuit: il fait chaud le jour en automne au Japon, à la différence de la France, où la température est finalement assez uniforme (je suis prêt à recevoir une salve de protestations sur une telle déclaration complètement dépourvue de preuves) dans le froid.
Fin du séminaire le jeudi en début d'après-midi, et départ pour Kôbe, où Shinya m'hébergeait pour 3 nuits. Nous sommes tombé le jeudi soir dans le quartier branché de Sannomiya (à Kôbe, le quartier branché est étonnament calme les soirs de semaine...) sur un groupe de Jazz fort sympa, qu'un membre de l'assistance appréciait tellement qu'il est allé parler aux musiciens, se tenant debout parmi eux au milieu d'un morceau! Shinya vient d'enménager et il a acheté plein de nouveaux meubles, dont une très chouette lampe, qu'il a accrochée au plafon mais descend bien bas... Je me la suis donc prise en pleine figure une première fois. Puis une deuxième. Une troisième 1 heure plus tard. Et une quatrième enfin, me faisant deux belles bosses sur le front, Shinya pleurant de rire sur son lit... Merci la compassion et l'amitié. Il a tout de même fini par relever la lampe à une hauteur raisonnable.
J'ai aidé Shinya le lendemain à s'acheter une guitare, toujours aussi gêné de devoir gratouiller dans les magasins de musique à côté d'autres clients aux capacités guitaristiques... d'une autre dimension (un type s'est mis à jouer du Hendrix derrière un rayon, j'ai cru que c'était le CD...). Nous sommes tombé dans l'une des arcades de la ville (la ville est truffée d'arcades, et en plus est doublée d'une homologue souterraine!) sur une parade dont Shinya m'a expliqué la signification: manifester contre les distributeurs automatiques de vidéos à caractère pornographique!! Il ne disait rien je crois sur les vidéos en elle-même...
Samedi, j'avais rendez-vous avec Yuko pour aller visiter le musée maritime d'Osaka. Malgré la tonne de pluie qui nous est tombée dessus, et le fait que je ne comprenais pas grand chose du contenu des expositions, le bâtiment en lui-meme comme hors lui-même valait le coup d'oeil et le billet de métro astronomique. Nous sommes aussi tomber à Umeda (quartier central d'Osaka) sur une boutique des studios Ghibli... trop mignon... j'ai craqué pour une trousse "neko basu"="chat-bus", qui fait ma fierté même si elle ne peut contenir que 3 stylos et la moitié de mon effaceur...
Dimanche, départ de Kôbe pour rejoindre Minô, au nord d'Ôsaka, où je logeais chez Masumi-san, un ami de Yuko. Nous avons marché dans la montagne jusqu'à une célèbre cascade, autrefois point de départ de nombreux écrivains prenant la route à pied pour Tokyo. C'est la vraie nature, avec la sensation de se trouver dans un dessin animé des studios Ghibli, et les singes au rendez-vous. Une petite fille a voulu lui sauter dessus, heureusement c'est le singe qui a eu le plus peur... Yuko avait organisé une fête chez Masumi-san avec des amis (de gauche à droite: Fukakyon, Maminee, Fumiyon, Fumiko, Yuko, Masumi, Chiémi) qu'elle avait rencontré lors d'un séjour en Chine. Ils sont tous japonais, mais parlent tous chinois! La soirée fut hyper sympa, avec de succulents Takoyaki (de petites boulettes à la pieuvre, home-made, je m'y suis même un peu essayé!), et un Nabe (hotpot... en français?? fondue?) délicieux.
Le lendemain hier lundi, direction la gare de Shin-Ôsaka (Néo-Ôsaka... ca fait très "Akira", non?), et retour par Shinkansen sous un temps tellement mauvais qu'on ne pouvait apercevoir le Mont Fuji... 4 fois que je le prends, et 4 fois que je rate le Fuji-san... J'ai heureusement été consolé aujourd'hui: nous sommes le 2 décembre, il a fait 18 degrés dans l'après-midi, et pour la première fois j'ai pu voir le Fuji-san depuis la fenètre de mon bureau! Histoire de faire des envieux, voici une vue matinale, et le coucher de soleil auquel nous venons d'assister...